mardi 27 mars 2012

Les vertus parentales à l'épreuve de la laideur des enfants

En 2005, j'avais rapidement lu le compte-rendu d'une étude canadienne montrant que les parents d'enfants peu attirants physiquement  fixaient moins souvent la ceinture de sécurité des "caddies" de supermarché (au Canada, ces caddies sont bien équipés!) que les parents d'enfants "beaux". Faut-il en déduire (comme les auteurs) que lorsqu'on a des enfants laids (indicateur de "mauvais matériel génétique" apprend-on), on s'en occupe moins bien? Cette étude avait en fait été présentée dans un obscur colloque et, grâce au flair d'un journaliste, s'était malgré tout retrouvée dans les pages du New York Times. Sept ans plus tard, une recherche de la littérature suggère qu'elle n'a toujours pas été publiée dans une revue scientifique. Et pour cause... Cette relation entre le comportement des parents et les traits physiques des enfants ne prouve pas grand chose. Il est possible en effet qu'elle soit due à un facteur externe. Par exemple, le niveau socio-économique de la famille, le comportement des enfants (les enfants "beaux" sont peut-être plus calmes et donc doivent moins être sécurisés) voire l'attirance physique des parents eux-mêmes. Voilà qui est rassurant pour ceux qui ont foi en l'aveuglement total de l'amour parental. 

samedi 17 mars 2012

Pourquoi nier des rumeurs ne sert généralement à rien


Source: Flickr

En septembre 2012, une rumeur court sur le réseau social Facebook selon laquelle les messages privés apparaissaient sur le "mur" (public) des membres. Facebook essaye de démentir par tous les moyens...mais rien n'y fait.

Le 11 Novembre 2011. Une information parmi d'autres: un avocat franco-sénégalais, Robert Bourgi, affirme avoir transmis des valises de billets provenant de chefs d'Etat africains  dans le but de financer la campagne de Jacques Chirac en 2002.  Dominique de Villepin, désigné comme l'un des récipiendaires de ces valises, réagit vivement, nie et décide de porter plainte. Sans doute espérait-il ainsi éteindre la rumeur dans l'opinion publique?

Pour un citoyen relativement peu informé sur ce sujet (comme moi), il est difficile de se prononcer sur la véracité de ces accusations. Si je peux aisément imaginer un tel scénario (détaillé par Bourgi), sur quelle base puis-je y croire ou, au contraire, le dénoncer comme faux?

Nous sommes envahis d'informations (ce blog contribue du reste à cette surabondance). Avec les "informations" viennent les "rumeurs", ces affirmations dont on ne sait si elles sont vraies ou fausses mais que certains ont intérêt à diffuser pour de multiples motifs qui n'ont souvent que peu de rapport avec leur authenticité... Cette question résonne d'une actualité toute particulière alors que la campagne électorale américaine prend son envol. Les candidats, et les groupes de pression qui les soutiennent, recourent de façon massive à des spots publicitaires mettant en cause leurs adversaires.  En 2010, la Cour Suprême a levé les plafonds aux donations privées en faveur des campagnes électorales ce qui renforce ce phénomène.  Or, ces spots colportent parfois des rumeurs fausses ou infondées. Le candidat démocrate à l'élection présidentielle de 2004, John Kerry, en a fait les frais, lui qui fut accusé (à tort) d'avoir déformé et exagéré ses états de service pendant la guerre du Vietnam. Ces publicités ont joué un rôle non négligeable dans sa défaite. Le fait que des groupes de pression fortunés puissent diffuser des rumeurs fausses qui servent leurs intérêts constitue un danger important pour le fonctionnement démocratique.

jeudi 15 mars 2012

John Bargh nous répond



Dans un billet daté de janvier, je faisais part d'un article publié par Stéphane Doyen, Axel Cleeremans, Cora-Lise Pichon et moi-même sur l'effet des amorces "inconscientes" sur le comportement. Cet article remettait en cause un effet bien connu en psychologie sociale (amorcer à l'insu des sujets le concept de vieillesse les conduit à se conformer au stéréotype des personnes âgées en marchant plus lentement). Cet effet avait été mis en évidence par le Professeur John Bargh (aujourd'hui à l'université de Yale) et son équipe en 1996. Ce dernier vient d'écrire une réponse au vitriol mais fort argumentée à cet article sur le site de Psychology Today (principale revue américaine de vulgarisation en psychologie). Il s'attaque en effet à différents aspects de notre méthodologie. Le titre de son billet ("nothing in their heads" -  rien dans leur tête) et le ton utilisé sont peu compatibles avec le respect qu'on peut attendre d'un collègue. L'auteur y remet en cause notre compétence et notre connaissance de la littérature. Venant d'une des figures les plus reconnues de notre discipline, cela peut difficilement laisser indifférent.
John Bargh s'en prend également à la revue dans laquelle nous avons plublié l'article, PloS One. Cette revue étant en accès libre repose sur une contribution financière des auteurs à la publication. Ceci, selon notre collègue, pourrait mener à un conflit d'intérêts et donc à la publication d'articles de qualité inférieure (mais finançant la revue).

mardi 6 mars 2012

L'expérience de Milgram ne porte pas sur la soumission aux ordres


L'étude de psychologie sociale la plus célèbre est sans nul doute "l'expérience de Milgram". En réalité, cette appellation recouvre une série d'études menées entre 1960 et 1963 par Stanley Milgram (1933- 1984), professeur de psychologie sociale à l'université de Yale. Celui-ci invitait des sujets recrutés dans la ville de New Haven (Connecticut) à participer à une expérience portant sur l’« apprentissage ». Ils étaient reçus à l’université de Yale par un chercheur en blouse blanche accompagné d’un comparse présenté comme un autre sujet. Après un tirage au sort truqué, le véritable sujet était désigné « professeur » et chargé d’enseigner une liste de mots à un « élève», le comparse, qui se rendait ensuite dans une pièce séparée.