Ce billet, contrairement aux précédents, ne porte pas directement sur la psychologie sociale du coronavirus. J'aimerais partager avec vous un compte-rendu en français d'une analyse de Tomas Pueyo publiée mardi. Si vous lisez l'anglais, allez directement au texte original, qui est beaucoup plus riche et étayé que ce qui suit (note du 14/3: il a à présent été intégralement traduit en français). Mais si vous ne le lisez pas, ou souhaitez une version plus concise, ce petit résumé vous aidera, je l'espère, à prendre la mesure du phénomène. Je précise que je ne suis nullement épidémiologue et je ne pense pas que Pueyo le soit. Par ailleurs, il exagère parfois son propos et commet des approximations. C'est donc avec un grain de sel qu'il faut appréhender ceci. En revanche, son analyse est tellement bien étayée, par des chiffres fiables (et publiés dans les revues les plus prestigieuses), que les conclusions qu'il en tire me semblent fort convaincantes même si on peut ergoter sur les chiffres exacts.
Son analyse se base en grande partie sur l'observation du décours de l'épidémie à Wuhan (Chine), son épicentre. On dispose de données quant au nombre de cas constatés au jour le jour. Toutefois, on peut également estimer le nombre de personnes qui étaient réellement infectées à Wuhan chacun de ces jours. Pourquoi? Parce que les médecins chinois ont demandé à chaque patient·e quand il ou elle a observé ses premiers symptômes. Ci-dessous, les barres grises représentent le nombre de cas "réels" et les barres oranges le nombre de cas "diagnostiqués".
Source: https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2762130
De cette analyse, il ressort que, chaque jour, le nombre de cas réels est fortement sous-estimé par rapport au nombre de cas diagnostiques. Par exemple, le 21 janvier à Wuhan, il y a 100 nouveau cas détectés mais il y en avait 1500 en réalité. En outre, en Belgique, les produits réactifs utilisés dans les tests sont en stock très limité et ce simple fait mène à une sous-identification du nombre de cas.
Autre donnée importante: sans mesures préventives, le nombre de personnes infectées double +/- tous les 6 jours. Naturellement, pendant la période où aucune, ou très peu, de mesures, sont prises, les personnes réellement infectées ont pu propager le virus. Sur base des chiffres italiens et chinois notamment, on peut estimer le délai entre l'infection et la mort (17 jours). Comme on connaît le nombre de morts, qu'on peut estimer le taux de mortalité, il devient également envisageable d'estimer combien de personnes étaient infectées il y a 17 jours. Prenons l'exemple belge: hier (le 11 mars), on nous annonce que trois Belges sont morts du coronavirus. Si on estime le taux de mortalité à 1% (une estimation basse), on peut considérer que 300 personnes souffraient d'une infection liée au coronavirus en Belgique le 25 février (17 jours plus tôt). Or, le nombre de 300 correspond plus ou moins au nombre de cas diagnostiqués à cette même date du 11 mars (314: le 12, on est déjà à 399)! En admettant que ces 300 personnes aient diffusé le coronavirus pendant 2 semaines, le nombre de cas réels doit être multiplié par huit (à raison d'un doublement tous les six jours) et, selon ces estimations, il y aurait +/- 2400 cas dans la population. Ce chiffre n'est sans doute pas correct mais il est certain que le nombre de 300 est largement sous-estimé.
Le danger (déjà évoqué dans ce billet) est que notre système de santé ne puisse plus faire face à l'afflux de malades. Si c'est le cas, le taux de mortalité va augmenter (faute de lits et de matériel - respirateurs par exemple, vu aussi le fait que le personnel médical risque d'être touché également). Pueyo montre que ce taux varie de moins de 1% à 5% selon la résilience du système de santé (et donc du nombre de cas). Il faut donc transformer la courbe exponentielle en une courbe en plateau et mettre tout en oeuvre pour que le pic de l'épidémie soit le plus tardif possible (ce qui permet de se préparer).
Pour information, 20% des cas exigent une hospitalisation et, parmi ceux-ci, 5% en unité de soins intensifs.
Pour retarder le pic et empêcher une diffusion exponentielle, Pueyo exhorte les décideurs à interdire tout rassemblement collectif, à fermer les écoles, les universités, entreprises (ce que Wuhan avait déjà fait lorsqu'elle avait atteint le stade qui est le nôtre aujourd'hui)... Il montre qu'une telle réduction des contacts sociaux est efficace (par exemple, les villes qui l'ont mise en place tôt lors de la pandémie de grippe espagnole de 1918 ont été beaucoup plus épargnées que les autres) mais qu'elle doit être mise en place au plus tôt: sur base d'un modèle mathématique, il suggère, par exemple, qu'un jour supplémentaire de délai dans la mise en oeuvre de telles mesures peut impliquer 40% de cas supplémentaires vingt jours plus tard. Pueyo souligne à cet égard que les pays ayant adopté ce type de mesures face au Covid-19, des pays asiatiques (Singapour, Japon, Corée du Sud, Chine,...) déjà touchés par le SARS en 2003 et qui en ont tiré des leçons, ont réussi à contenir l'épidémie.
Bref, il faut agir maintenant en mettant en place des mesures visant à limiter les contacts sociaux (face à face) au minimum et à isoler les zones infectées (n'oublions toutefois pas l'aspect psychologique de la chose traité dans mes précédents billets!).
Mais je serais ravi de lire ce que les expert·e·s pensent de ce point de vue.
Et si quelqu'un a le courage de traduire l'article complet, merci de le signaler en commentaire.
Son analyse se base en grande partie sur l'observation du décours de l'épidémie à Wuhan (Chine), son épicentre. On dispose de données quant au nombre de cas constatés au jour le jour. Toutefois, on peut également estimer le nombre de personnes qui étaient réellement infectées à Wuhan chacun de ces jours. Pourquoi? Parce que les médecins chinois ont demandé à chaque patient·e quand il ou elle a observé ses premiers symptômes. Ci-dessous, les barres grises représentent le nombre de cas "réels" et les barres oranges le nombre de cas "diagnostiqués".
Source: https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2762130
De cette analyse, il ressort que, chaque jour, le nombre de cas réels est fortement sous-estimé par rapport au nombre de cas diagnostiques. Par exemple, le 21 janvier à Wuhan, il y a 100 nouveau cas détectés mais il y en avait 1500 en réalité. En outre, en Belgique, les produits réactifs utilisés dans les tests sont en stock très limité et ce simple fait mène à une sous-identification du nombre de cas.
Autre donnée importante: sans mesures préventives, le nombre de personnes infectées double +/- tous les 6 jours. Naturellement, pendant la période où aucune, ou très peu, de mesures, sont prises, les personnes réellement infectées ont pu propager le virus. Sur base des chiffres italiens et chinois notamment, on peut estimer le délai entre l'infection et la mort (17 jours). Comme on connaît le nombre de morts, qu'on peut estimer le taux de mortalité, il devient également envisageable d'estimer combien de personnes étaient infectées il y a 17 jours. Prenons l'exemple belge: hier (le 11 mars), on nous annonce que trois Belges sont morts du coronavirus. Si on estime le taux de mortalité à 1% (une estimation basse), on peut considérer que 300 personnes souffraient d'une infection liée au coronavirus en Belgique le 25 février (17 jours plus tôt). Or, le nombre de 300 correspond plus ou moins au nombre de cas diagnostiqués à cette même date du 11 mars (314: le 12, on est déjà à 399)! En admettant que ces 300 personnes aient diffusé le coronavirus pendant 2 semaines, le nombre de cas réels doit être multiplié par huit (à raison d'un doublement tous les six jours) et, selon ces estimations, il y aurait +/- 2400 cas dans la population. Ce chiffre n'est sans doute pas correct mais il est certain que le nombre de 300 est largement sous-estimé.
Le danger (déjà évoqué dans ce billet) est que notre système de santé ne puisse plus faire face à l'afflux de malades. Si c'est le cas, le taux de mortalité va augmenter (faute de lits et de matériel - respirateurs par exemple, vu aussi le fait que le personnel médical risque d'être touché également). Pueyo montre que ce taux varie de moins de 1% à 5% selon la résilience du système de santé (et donc du nombre de cas). Il faut donc transformer la courbe exponentielle en une courbe en plateau et mettre tout en oeuvre pour que le pic de l'épidémie soit le plus tardif possible (ce qui permet de se préparer).
Pour information, 20% des cas exigent une hospitalisation et, parmi ceux-ci, 5% en unité de soins intensifs.
Pour retarder le pic et empêcher une diffusion exponentielle, Pueyo exhorte les décideurs à interdire tout rassemblement collectif, à fermer les écoles, les universités, entreprises (ce que Wuhan avait déjà fait lorsqu'elle avait atteint le stade qui est le nôtre aujourd'hui)... Il montre qu'une telle réduction des contacts sociaux est efficace (par exemple, les villes qui l'ont mise en place tôt lors de la pandémie de grippe espagnole de 1918 ont été beaucoup plus épargnées que les autres) mais qu'elle doit être mise en place au plus tôt: sur base d'un modèle mathématique, il suggère, par exemple, qu'un jour supplémentaire de délai dans la mise en oeuvre de telles mesures peut impliquer 40% de cas supplémentaires vingt jours plus tard. Pueyo souligne à cet égard que les pays ayant adopté ce type de mesures face au Covid-19, des pays asiatiques (Singapour, Japon, Corée du Sud, Chine,...) déjà touchés par le SARS en 2003 et qui en ont tiré des leçons, ont réussi à contenir l'épidémie.
Bref, il faut agir maintenant en mettant en place des mesures visant à limiter les contacts sociaux (face à face) au minimum et à isoler les zones infectées (n'oublions toutefois pas l'aspect psychologique de la chose traité dans mes précédents billets!).
Mais je serais ravi de lire ce que les expert·e·s pensent de ce point de vue.
Et si quelqu'un a le courage de traduire l'article complet, merci de le signaler en commentaire.
La croissance exponentielle du nombre de cas a été soulignée la semaine passée par le Dr Devos Président Ass Belge Syndicats med. Le nombre de contaminés asymptomatiques est dramatiquement sous-évalué par les responsables officiels.
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